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mardi 20 juin 2017

Une soirée sur le front Nord

Chroniques d'Oktyabrsky 10



Devant le regain d'activités militaires sur le front Nord de Donetsk, j'ai décidé de visiter les lisières Nord de mon quartier, cette semaine du côté Est, entre un aéroport qui est bombardé quotidiennement et un village de Spartak où les accrochages et pilonnages sont à nouveau quasi permanents depuis environ 2 semaines.

Au départ je me suis dirigé vers la rue Stratanovtov, cette artère Est-Ouest qui relie Spartak à Peski en longeant la zone aéroportuaire complètement en ruine aujourd'hui. dans cette fine ceinture nord complètement détruite survivent quelques personnes âgées et même à ma connaissance 2 familles dont les maisons, telles des navires que l'on colmatent sans arrêt au milieu d'une tempête, leur offrent encore un abri précaire et dangereux...

Vers 20h00 des bombardements ukrainiens mais également des tirs ont frappé les positions républicaines situées à quelques pas au Nord des dernières maisons en ruines et abandonnées. Il s'en est suivi un échanges de tirs bref mais vif pendant environ 30 minutes

Ambiance des soirées "son et lumière" d'Oktyabrsky 

Les rues dans ce quartier sont tellement dévastées et désertes que les personnes croisées semblent être des fantômes surgis d'un passé pourtant proche où les rires des enfants fleurissaient les jardins tandis que leurs parents se réunissaient autour de barbecues odorants...

Au moment où j'emprunte cette petite rue entre le front et la rue Stratanovtov, les 2 ou 3 personnes qui y sont se sont réfugiées derrière les murs épais de leurs maisons, que des balles voire des obus perdus viennent encore frapper régulièrement. Il me semble déambuler dans le décor d'un film où la vie aurait disparu brutalement...


Et pourtant nous sommes bien au coeur de l'Europe et en 2017 ! :






Passant par des raccourcis je rejoins Spartak avant la tombée du jour accueilli ici aussi par des autres tirs ukrainiens qui harcèlent continuellement les positions républicaines et les quelques dizaines d'habitants (sur les 5000 avant la guerre) qui survivent au milieu de leur village martyr.

A Spartak, changement d'ambiance, après avoir salué Vika et sa grand mère, je rejoins la ligne de front en compagnie des soldats qui m'ont invité. Les positions sont aux lisières d'un quartier abandonné où des hangars crevés rivalisent en destructions avec des maisons endommagées. 

Quelques instants anonymes quelque part au Nord de Spartak
Pendant ce reportage un sniper ukrainien essaie en 
vain de nous toucher, le tir le plus proche (à 1'52") 
passant encore à plus de 20 centimètres de sa cible.

Devant nous en direction du Nord se dispersent dans l'horizon les fumées industrielles de la ville d'Avdeevka aujourd'hui occupée par l'armée ukrainienne. 

Sur les postes de combat les hommes sereins, la bonne humeur brillant dans tous les regards mais également sont attentifs car les ukrops ont des positions proches à partir desquelles régulièrement dans la journée ils envoient des tirs d'armes légères, mitrailleuses, lance-grenades ou lance roquettes, tandis que leur artillerie située un peu plus loin (Opotne) pilonne également à intervalles réguliers la zone depuis les tranchées jusqu'aux quartiers résidentiels où les derniers habitants vivent dans leurs caves.

Au bout de la rue du village la guerre a dressé un mur de terre, de pierre et de feu

Au delà, l’étroit "no man's land" devenu le royaume des renards des sangliers et de la mort

Une vie de spartiate s'organise à l'abri des bunkers 

La foi arme le courage et rappelle aux sentinelles du Donbass qu'ils ne sont pas seuls

Une vie "au jour le jour" que  rythment  les gardes, les briefings, les entretiens et les alertes

Devant les tranchées une zone polluée par la guerre et parsemée de pièges et mines mortels

Derrière les tranchées, les abris de repos où la popote et les plaisanterie soudent les hommes et soulagent la fatigue

Spartak, ses ruines, ses habitants et ses défenseurs sont devenus un symbole de la résistance du Donbass

Ici les habitants et les soldats sont à l'écoute des bruits du monde autant que de ceux de la guerre, et au fil des conversations ils me demandent souvent mon avis sur la diplomatie française qu'ils croient toujours influente sur la géopolitique internationale.

Avec beaucoup de tristesse et même de honte je leur fais comprendre que la dignité française est à l'image de leurs maisons éventrées et ouvertes aux chiens errants à la recherche d'un os à ronger... 

Ici dans le Donbass la dignité des hommes et des femmes est en revanche intacte et même certainement renforcée par une détermination et un amour d'une Liberté bafouée par Kiev depuis 3 ans...

Car si les murs sont effondrés sous les assauts de la haine et de la cupidité occidentales en revanche les citadelles intérieures sont toujours là gardiennes de traditions et de libertés européennes victorieuses !

Erwan Castel, volontaire en Novorossiya



Le lien pour lire les autres "Chroniques d'Oktyabrsky"

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S'il vous plaît, pour m'aider dans le travail de réinformation et l'aide engagée auprès des habitants sinistrés de mon quartier

Si l'argent est le nerf de la guerre il est malheureusement également aussi celui de la réinformation pour laquelle j'ai décidé de me consacrer seul et à plein temps malgré une absence actuelle de revenus et une censure de mon travail par les agences de presse occidentales collabos, mais également par des crapules, jaloux ou obsédés du monopole de l'information venus jouer les vautours dans le Donbass..

Au delà de mes besoins de subsistance (8 000 roubles par mois (150 euros au taux de change local) j'utilise les dons supplémentaires pour aider des personnes isolées et des familles de mon quartier.

Suite aux actions calomnieuses de militants pro ukrainiens qui engagent des procédures de fermeture de comptes bancaires, je vous demande de me contacter par mail : alawata@gmail.com pour que je vous transmette l'adresse où m'adresser les dons éventuels.

Observation : la plus petite somme (équivalent à celle d'un paquet de cigarette) est la bienvenue et vitale ici.

En vous remerciant par avance de votre soutien moral et matériel

Bien à vous
Erwan

vendredi 9 juin 2017

Un alsacien au milieu des ruines

Quand l'humanisme de son regard éclaire les photos du reporter

Guillaume Chauvin est un photographe émérite et un ami, pour la troisième fois en 2 ans j'ai eu le plaisir de l'accueillir, cette fois dans le secteur d'Oktyabrsky où j'habite, l'invitant à découvrir une autre facette de cette guerre et de ce quartier Nord de Donetsk où survit une population exceptionnelle...

Voici un premier témoignage de son passage au milieu des ruines...


Pour Guillaume Chauvin, le Donbass n'est plus depuis longtemps une steppe inconnue entre Eurasie et Europe, mais une terre humaine connue et reconnue et visitée pour la troisième fois au mois d'avril cette année sans toutefois voir la passion du premier jour s'altérer et s'effilocher par des sentiers déjà battus...

Car pour cet alsacien venu fixer dans un objectif photographique un regard, à la fois professionnel et intime, sur cette guerre occultée, consiste pour cet homme calme et posé à montrer plus que jamais, au milieu des ruines que "le plus important n'est pas dans l'objet mais dans le regard"...

Au mois d'avril de cette année, Guillaume est revenu dans le secteur de Donetsk, et nous avons ensemble pérégriné entre tranchées militaires et quartiers bombardées pour mesurer à l'aune des regards croisés l'ampleur de ce conflit fraternel qui agite secrètement le coeur d'une Europe malade d'elle même.

Des tranchées de la "Division Sharthiorskaïa" à l'école bombardée de Yakolevka, en passant par l'immeuble "Diviets étages" d'Oktyabrsky, nous avons enchaîné chaque jour des reportages et surtout comme le chante si bien Zaz de ces "rencontres qui sont les plus beaux voyages ".
Ainsi, plusieurs jours et nuits nous sommes restés dans le Nord de Donetsk, avec des amis, des voisins, et n'en déplaise aux insectes rampants calomniateurs, des personnes aidés matériellement grâce à ce réseau de soutien.

A Spartak où nous sommes restés plusieurs jours entre le village civil et la ligne de front militaire, Guillaume a voulu accompagné Vika, cette enfant de 10 ans qui vit au milieu des bombardements depuis 3 ans. 
Celle que j'aime appeler la "Princesse de Spartak" nous a invité à vivre son quotidien, entre la cave où elle dors chaque nuit, à son école de Yakolevka, en passant par les rues désertées et crevassées de son village.
Sur cette enfant de Spartak et qui malheureusement n'est pas la seule dans le Donbass, Guillaume vient de faire un focus en attendant un article à venir prochainement. 

Il nous livre ici la pensée de son regard qui certes traverse le boitier froid d'un appareil photo mais que commande toujours un coeur attentif.

Guillaume que je remercie vivement de ce beau témoignage (voir ci-après) a donc déjà rencontré plusieurs facettes de ce Donbass extraordinaire, à travers les prismes de l'été, de l'hiver et du printemps, et il lui reste encore l'automne à visiter, cette saison si particulière où les futures fleurs de l'espérance germent, cachées sous l'humus d'une pluie de feuilles mortes...

J'espère de tout coeur retrouver ce reporter atypique et de grand talent devenu au fil des balades un ami sincère, que je remercie vivement car son regard nous épaule avec justesse apportant  à notre engagement passionnel le juste équilibre d'un regard extérieur et humaniste. 



Erwan Castel, volontaire en Novorossiya



"On est chez nous ici !"

Chaque semaine, un photographe raconte l’une de ses images qui l’a marqué. Guillaume Chauvin revient sur sa rencontre avec des écolières du Donbass, zone en proie à la guerre civile depuis 2014.


« Au début de la crise en Ukraine, beaucoup d’articles européens décrivaient les séparatistes comme des fanatiques pro-russes. J’étais intrigué. J’avais envie de comprendre ce qu’ils vivaient réellement. Lors de mon premier séjour dans le Donbass, il y a deux ans, j’ai rencontré Vika, à droite sur la photo. J’y suis retourné en avril dernier et je l’ai retrouvée.

Âgée de dix ans, Vika a perdu sa mère avant le début de la guerre et son père a fui la région. Elle est maintenant élevée par sa grand-mère, qui a construit elle-même la cabane que l’on voit sur la photo. Avec sa voisine Marina, 16 ans, elles sont les deux seules enfants du quartier de Spartak, dans la banlieue nord de Donetsk, la « capitale » du Donbass. Sur les cinq milles personnes résidant là avant la guerre, il reste seulement soixante quinze habitants…

Marina et Vika continuent d’aller à l’école, à vingt minutes en bus de là. La zone a déjà été bombardée à trois reprises depuis le début de la guerre et toutes les fenêtres du bâtiment sont brisées. Parfois l’alerte retentit encore, forçant les professeurs des deux classes restantes à abriter leurs élèves au sous-sol.

Les fillettes risquent leur vie tous les jours. Mais lorsque je leur demande pourquoi elles restent, la réponse est toujours la même : « on est chez nous ici, on n’a nulle part où aller ». 

J’ai pris cette photo alors que nous rentrons de l’école. Elles s’installent sur la table de la cabane et, pour plaisanter, décident de prendre une pose « studieuse » : elles sortent leurs cahiers et se mettent à faire semblant de réviser leur cours de chimie. Leur petit jeu parvient même à énerver la grand-mère de Vika, qui leur reproche de trop s’amuser et leur demande de se mettre vraiment au travail. Sans succès : l’instant d’après, les deux gamines s’installent dans la cave avec leur chat pour regarder des dessins animés à la télévision.

Cette histoire est à la fois touchante et révélatrice du quotidien des habitants du Donbass. Leur vie continue au milieu des champs de ruines et des bombardements ukrainiens. À la fin, les fillettes avaient même oublié que j’étais là, trop occupées à jouer avec leur chat. »



Propos recueillis par Thomas Grosperrin


D'autres photos de Guillaume Chauvin prises à l'occasion de son reportage à Spartak et que je me suis permis de commenter ici. 


Depuis 3 ans les bombardements ukrainiens ininterrompus ont forcé les quelques 70 habitants qui s'accrochent à leur village de se réfugier dans les caves où ils dorment chaque nuit  
Vika en compagnie de Marina, l'autre enfant du village qui est restée à Spartak

Après l'école et le chemin du retour qu'elles effectuent en bus et à pied, les fillettes se retrouvent dans une maisonnette collective où a été aménagé une cuisine au feu de bois pour  faire leurs devoirs..

Vika reste une élève appliquée et studieuse consciente que sa réussite scolaire participera à lui offrir une vie meilleure

Marina, une jeune adolescente qui partage avec Vika les peurs de guerre et les rêves de paix

"Marquise" la maîtresse secrête de la cuisine improvisé et ses amis fidèles, le fourneau à bois et les gamelles


Après la disparition de ses 2 parents la grand mère de Vika l'élève et la protège malgré la pauvreté et des ruines nouvelles qui chaque jour apparaissent autour d'elles  

La grande majorité des 5000 habitants ont quitté le village et les 75 résistants à la guerre passent désormais rapidement leurs rues attentifs aux vrombissements d'acier qui peuvent déchirer à tout moment le ciel de Spartak.

Vika et Marina vont à l'école de Yakolevka au Nord Est et dont dépend leur village, qu'elle rejoigne après une première marche qui leur permet de rejoindre une ligne de minibus encore en fonctionnement


Malgré les bombardements subis depuis 3 ans l'école de Yakolevka a su préserver pour ses enfants un environnement, à la fois studieux et récréatif où la guerre est un instant oubliée...

Dans l’après midi, Vika retrouve le chemin de son village bombardé, de la folie des hommes et des peurs de la nuit 

Âgée tout juste de 10 ans, la "Princesse Vika", au milieu de ses poupées et jeux d'enfant offre déjà au monde un regard où brille une sagesse précoce qu'aiguisent un courage et une humilité exceptionnels...


Vous pouvez apprécier d'autres photos de Guillaume sur le lien de l'article ci-dessus 


Né en 1987, Guillaume Chauvin a travaillé un temps en Russie. Ses photos ont été publié dans la presse nationale et internationale (Le Monde, Libération, Feuilleton, 6 Mois, Paris Match, Desports..). 

Il développe en parallèle un travail d’écrivain (éditions Allia) et d’éditeur (Les éditions m’habitent). Ses photos ont été exposées aux Rencontres d’Arles, à la Faculté de journalisme de Moscou, et acquises par l’Artothèque de Strasbourg. Guillaume Chauvin est membre du studio Hans Lucas depuis 2015.






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Si l'argent est le nerf de la guerre il est malheureusement également aussi celui de la réinformation pour laquelle j'ai décidé de me consacrer seul et à plein temps malgré une absence actuelle de revenus et une censure de mon travail par les agences de presse occidentales collabos, mais également par des crapules, jaloux ou obsédés du monopole de l'information venus jouer les vautours dans le Donbass..

Au delà de mes besoins de subsistance (8 000 roubles par mois (150 euros au taux de change local) j'utilise les dons supplémentaires pour aider des personnes isolées et des familles de mon quartier.

Merci d'envoyer vos contributions de soutien sur le compte référencé ci après à partir duquel sont envoyés des virements vers le Donbass

Observation : la plus petite somme (équivalent à celle d'un paquet de cigarette) est la bienvenue et vitale ici.

En vous remerciant par avance de votre soutien moral et matériel

Bien à vous
Erwan